De l’ombre à la lumière : La nouvelle vie des artefacts métalliques d’Albalat

Aux frontières d’Al Andalous, l’agglomération fortifiée d’Albalat fut brusquement abandonnée au XIIème siècle. Les destructions de la Reconquista ont paradoxalement favorisé la conservation de la trame urbaine et notamment les ateliers de production artisanale. L’analyse de l’abondant mobilier métallique fabriqué sur place ou importé, permet de préciser une communauté frontalière, islamisée et militarisée en pleine époque almoravide.

Détail de restes de dorures apparus lors de la restauration d’un artefact métallique, probablement œuvre d’un orfèvre local (c) S. Gilotte.

Sans une intervention de conservation-restauration, les milliers d’objets métalliques mis au jour dans le bourg médiéval fortifié d’Albalat (Espagne) se dégradent irrémédiablement, au risque de voir leur intégrité menacée. Car, à l’instar de tout mobilier archéologique extrait de son contexte d’enfouissement, les métaux – avec le fer en tête – sont soumis à un processus d’adaptation à leur nouvel environnement qui entraîne l’accélération des mécanismes de corrosion. Malgré un démarrage tardif en raison de la pandémie, les premiers travaux n’ont pas manqué de porter leurs fruits… tout en réservant quelques surprises!

Le projet soutenu par Arpamed porte sur un petit lot de ces artefacts et leur offre une nouvelle vie après quasiment neuf siècles d’enfouissement.

Un diagnostic préalable visait à mesurer la teneur en chlorures (des sels qui accélèrent le processus de corrosion) suivi, le cas échéant, par un dessalage au moyen de bains alcalins. Il a été frappant de constater que certaines pièces contenaient une concentration de chlorures nettement supérieure aux autres : non seulement des pièces majeures au noyau métallique bien préservé, telles une hache bipenne ou une houe, mais également des pièces parfois de très petite taille, comme une série de clous de tapissiers ou une sonnaille.

Objet de base cuivre trouvé en cours de fouille pris dans une gangue de terre (c) S. Gilotte.

Le nettoyage subséquent, à l’aide de moyens mécaniques (bistouri et appareil à ultrasons – un détartreur de dentiste –) enlève les concrétions terreuses et les oxydes de fer qui déforment les pièces, permettant ainsi d’appréhender des indices de fabrication qui passeraient facilement inaperçus : depuis des soudures au plomb rendant possible la création d’objets composites jusqu’à la précision des ciselures en repoussé qui permet de restituer le profil du ciselet employé par l’artisan.

Les restaurateurs en plein travail de nettoyage dans leur atelier de la province de Valladolid, (c) S. Gilotte.

En renvoyant à des domaines aussi variés que les sphères domestique, économique et militaire, ce mobilier offre un bon échantillon des modes de vie, des activités productives ou encore de l’impact de la guerre latente sur les habitants de cet établissement fortifié.

Plus surprenant encore a été de trouver un fragment de textile minéralisé, fixé à la surface d’un objet en fer. Enfin, ce même processus de nettoyage a non seulement extrait de sa gangue de terre un curieux ornement en alliage cuivreux mais a révélé que celui-ci était initialement doré. Une autre plaque du même matériau, ornée de fines arabesques, était quant à elle plaquée en argent. Ce sont là de précieux témoignages d’une orfèvrerie de qualité à Albalat.

Pour en savoir plus :

Voir la page du projet : Albalat aux frontières d’al-Andalous | Arpamed, S. Gilotte chargée de recherches au CNRS et directrice du projet.

Restaurateurs : Alberto Llamas Herrero et Alba González Gil.