Thasos, la dernière villa

Sur l’île de Thasos (Grèce), les fouilles menées depuis 1979 au cœur de la cité antique révèlent treize siècles d’histoire, des dernières décennies du VIIIe siècle av. J.-C. jusqu’aux premières décennies du VIIe siècle apr. J.-C. Une stratification épaisse de 10 mètres a enregistré toutes les phases du site : occupation indigène thrace, niveaux de la colonisation grecque, phases monumentales archaïque puis classique, enfin dernière occupation proto-byzantine.

Eté 2021 : découverte d’une décorée de rosettes et palmes dans la couche de destruction de la villa. © A. Muller.

Parmi les vestiges d’une vaste demeure aristocratique, c’est cette dernière période du début du Ve siècle qui est la mieux représentée. Le site est organisé autour d’une cour centrale, selon un type habituel. Dans l’aile Est, la pièce la plus remarquable est un vaste triclinium (pièce de réception), tandis que d’autres pièces d’apparat dans l’aile Nord résultent de l’intégration d’un bâtiment public classique (début IVe s. av. J.-C.), lui-même agrandissement d’un édifice archaïque (Ve s. av. J.-C.) : il y a là une continuité architecturale exceptionnelle.

Dans un second état, un ensemble thermal luxueux a été rajouté contre l’aile Sud de la demeure. 

Le chantier d’embellissement et d’agrandissement du troisième état, avec en particulier l’ajout d’une vaste abside au triclinium, est brutalement interrompu autour de 575. La demeure est alors dépouillée de tous ses matériaux récupérables (marbres de dallage et de placage) puis réoccupée de façon précaire. Le témoin le plus spectaculaire de ces temps troublés est un grand four domestique installé dans l’ancien portique Est. En 620, un violent tremblement de terre a détruit la demeure et mis fin à l’occupation antique de Thasos.


Vue d’ensemble des vestiges mis au jour dans le cadre des programmes Valma et Thanar. © Th. Nicq, HALMA UMR 8167)

Le premier objectif de la campagne 2021 était la fouille d’une parcelle récemment acquise du jardin qui recouvre l’espace central de la demeure.

L’enlèvement de la plus grande partie de l’épaisse couche de destruction a révélé son organisation, avec les quatre colonnes du portique Est placées entre deux piliers maçonnés en équerre. Mais ce n’est qu’après la campagne de 2022 que l’on pourra observer les formes de la dernière occupation dans cet espace central et analyser ses modifications éventuelles en rapport avec les trois états de la demeure.

Les maçons grecs au travail : consolidation du refend de mur. © A. Muller.

Avec la reconnaissance des pouvoirs publics locaux et l’obtention de financements extérieurs dont une contribution du fonds Arpamed, un projet de conservation et valorisation de la demeure protobyzantine a pu être mis en œuvre. 

Les travaux réalisés en 2019 et 2021 consistent essentiellement en la consolidation de ses fragiles maçonneries (rehaussement et étanchéité des crêtes de murs) et le comblement des lacunes : la lisibilité de la ruine et son caractère spectaculaire en sont considérablement améliorés. Dans les années à venir il sera procédé au traitement des sols et en particulier à la repose d’une mosaïque restaurée. En attendant la matérialisation d’un parcours de visite reprenant les circulations antiques, des panneaux d’information trilingue (grec, français, anglais) rendent compte des travaux en cours.

Cette muséalisation qui ouvrira la demeure au public après quatorze siècles d’enfouissement est, sans doute, le plus bel aboutissement d’un processus de recherche mené à Thasos depuis 40 ans.

Pour en savoir plus : 

Voir la page du projet Thasos : Splendeur et misère d’une demeure protobyzantine | Arpamed par A MULLER.