Cités perdues de Lucanie

Les fouilles menées par l’École Française de Rome en Italie du Sud préromaine (Lucanie) portent sur deux sites fortifiés et mal connus jusqu’à récemment. Elles montrent qu’il s’agit d’agglomérations vastes, denses, organisées en quartiers orientés, en un mot de véritables villes. La campagne d’août portant sur l’habitat, a révélée quelques surprises…

Le programme Ignobilia oppida Lucanorum / Villes fortes anonymes de Lucanie (Basilicate actuelle) enquête sur l’arrière-pays de cette région montagneuse, en contact avec les Grecs puis avec Rome du VIe au IIe s. av. J.-C. Les sites de Civita di Tricarico et Serra del Cedro, deux villes voisines l’une de l’autre, ont été découvertes depuis la fin du XIXe s. Elles sont proches d’autres sites reconnus en prospection grâce à leurs nécropoles et aux vestiges de leurs enceintes monumentales.

Toutes ces villes fortes s’organisent en un réseau jusque-là insoupçonné dont l’urbanisme est en cours d’étude.

Lors de la reprise de la mission d’août sur le site de Serra del Cedro, la fouille de la « maison alpha » – grande habitation de 450 m2 située sur un des points culminants du site – a porté cet été, sur la cour principale. Ont été retrouvés de nombreux fragments de pithoi (jarres pour la conservation des denrées alimentaires), témoins de l’occupation antique. Ces grands conteneurs posent la question du type de nourriture consommée et du mode de stockage de cette production issue des activités domestiques d’une vaste demeure. A Civita di Tricarico, la découverte la plus notable concerne la mise au jour d’une salle cultuelle étonnante !

Vue du village actuel de Tricarico depuis le site de Serra del Cedro.
(c) H. de Mégille, 2021.
Vue de l’opus spicatum attestant d’une pièce de service sur le site de Serra del Cedro. (c) H. de Mégille, 2021.

Les structures datées probablement du IIème av. J.-C., étaient scellées par le niveau d’écroulement du toit attesté en fouille par une épaisse couche de tuiles.

Au-dessous, était préservé une base circulaire associée à un matériel abondant : petit autel en grès, brûle-parfums, fiole à parfum (balsamaire), statuettes votives, lampes à huile, coupelles à libations etc. Plus surprenant encore, une jambière en bronze (cnémide) montre qu’on pouvait consacrer également des armes.

Vue de la maison V avec en son centre, l’autel en grès. (c) O. de Cazanove, 2021

Un lidar pour préciser les objectifs des prochaines missions.

Ces découvertes qui enrichissent les collections du musée de Matera, permettent d’apprécier les modes de vie au sein d’une agglomération lucanienne. Pour avoir une vision d’ensemble de cette ville italique, un nouveau moyen d’investigation va être employé : le Lidar, c’est-à-dire un scanner aéroporté permettant de restituer les micro-reliefs, même sous un couvert d’arbres. La contribution d’Arpamed permettra de réaliser cette opération en hiver, pour préciser les limites des deux sites, définir ainsi de nouveaux objectifs de fouilles et sensibiliser les pouvoirs publics locaux à la protection de ce riche patrimoine archéologique… En cartographiant des zones inaccessibles autrement, le Lidar permettra d’obtenir pour la première fois le plan exhaustif d’une ville « italique » – ni grecque, ni romaine, ni étrusque – avant que Rome n’impose partout son modèle urbain.

Pour en savoir plus : 

Voir la page du projet Tricarico, cité fortifiée de Lucanie | Arpamed par O de CAZANOVE ; S. BOURDIN.

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