A 80 km au nord-ouest du Caire, dans le delta du Nil, se trouve un site archéologique exceptionnel. Kôm Abou Billou conserve tous les composants d’une ville antique occupée pendant plus de trois millénaires. Outre une ville avec tous ses éléments constitutifs, on y trouve un temple à la déesse Hathor ainsi qu’une nécropole à l’intérêt patrimonial majeur. Cette nécropole est la plus grande et la mieux préservée du delta du Nil et sa position en bordure du désert a permis une excellente conservation des vestiges.
Depuis 2014, le site est fouillé et étudié par une équipe d’archéologues conduite par Sylvain Dhennin. L’intérêt scientifique et patrimonial de la nécropole était alors connu grâce à des fouilles plus anciennes dont la documentation a malheureusement été en grande partie perdue. Il y avait donc beaucoup à faire : fouilles, études et documentation. Mais surtout, il fallait le faire vite car le site était et est toujours grandement menacé par l’industrialisation de la zone dans laquelle il se trouve.
Ce projet qui reçoit le soutien d’ARPAMED, mission de préservation, de protection, d’étude et de documentation du site, est depuis trois ans la priorité de l’équipe de Sylvain Dhennin.
Les tombes qui ont été retrouvées dans la nécropole sont réparties en deux phases principales d’installation, la première se situerait vers la fin du premier siècle de notre ère et la seconde au cours du troisième siècle. Enfin, une troisième période de fréquentation correspond à une réoccupation tardive entre la fin du troisième siècle et le début du quatrième siècle, ce qu’a montré l’étude des monnaies que les défunts tenaient en main. Les tombes qui ont été mises au jour jusqu’à présent sont en très bon état et très riches en matériel funéraire et données archéologiques. L’extension de la fouille ainsi que l’ouverture d’un nouveau secteur ont permis de révéler énormément de choses, le potentiel et l’intérêt patrimonial du site ne cessent donc de grandir.
En fin de campagne, les structures mises au jour ont été protégées et recouvertes pour mieux les préserver. En photographiant le site par la méthode de la photogrammétrie, il est possible de garder une image très précise de l’espace tel qu’il était lorsqu’il a été photographié. Tous les secteurs de la nécropole qui ont été ouverts jusqu’à présent ont ainsi pu être couverts. Cette photogrammétrie va permettre de restituer l’ensemble des structures sur support numérique ce qui permettra en plus d’offrir au public des données sinon inaccessibles sur le terrain.
De telles opérations peuvent paraître bien classiques mais, dans le cas de cette mission, elles sont essentielles pour la sauvegarde du site. En effet, les dangers de destruction qui menacent la nécropole n’ont cessé d’augmenter depuis le début de l’année 2017 et il y a notamment eu une tentative de spoliation de dix hectares de terrain archéologique sur la nécropole, marquée par un terrassement préliminaire au bulldozer. Cette opération illégale a pu être stoppée grâce à l’intervention de l’Institut Français d’Archéologie Orientale et du Ministère des Antiquités. Il est possible que sans l’appui des résultats de la mission, la reconnaissance de l’intérêt patrimonial du site n’aurait pas autant marqué ces deux institutions et la nécropole aurait été en partie détruite. Mais cela serait aussi arrivé si la mission avait manqué de financement pour être réalisée ou si les archéologues n’avaient pas pu être présents pour la mener à bien. C’est donc bien la conjoncture de chacun des ces éléments, individuellement importants, qui a permis la sauvegarde d’un site archéologique millénaire ô combien capital pour la compréhension de l’Histoire.