A l’occasion de la remise du Prix Master Arpamed récompensant un mémoire de Master 2 sur l’archéologie et la Méditerranée, Arpamed est heureux de publier un résumé du mémoire lauréat de la 1ère édition intitulé « L ’agora de Thasos durant l’époque classique (ca. 500 – 330 av. J.-C.) ».
La cité de Thasos, située au nord de l’île, est l’un des sites les plus anciennement fouillés du bassin égéen. Cette exploration a notamment été menée sur l’agora, localisée dans la ville basse, entre le port et les pentes de l’acropole.
Ces fouilles, conduites de 1863 jusqu’à aujourd’hui, ont dévoilé un centre civique dont l’évolution a pu être reconstituée entre le IVe s. av. J.-C. et la période paléochrétienne. En revanche, les états antérieurs, d’époques archaïque et classique, n’avaient été que très partiellement reconnus. L’état classique, postérieur à la construction du rempart de la ville au début du Ve s. av. J.-C., est pourtant attesté par l’inscription de la « stèle du port », une série de vestiges et des membra disjecta, des blocs épars pour la plupart inscrits. Ces témoignages, qui n’avaient jamais été confrontés, permettent de proposer une première restitution de l’agora classique.
L’analyse des vestiges et des membra disjecta et les propositions de restitution qui en ont découlé offrent l’image d’une agora dotée, dès l’époque qui précède le siège de Thasos par Athènes (465-463 av. J.-C.), d’une parure architecturale monumentale de grande qualité.
Le temple de Zeus Agoraios, un petit édifice cultuel dorique cycladique très soigné, un prytanée monumental, au mur de façade inscrit de lois, et le célèbre Passage des théores en constituent les principaux témoignages. Ces bâtiments étaient associés à une architecture plus modeste et fonctionnelle. Malgré l’affaiblissement de Thasos consécutif à sa prise par Cimon et à sa longue période de guerre civile à la fin du Ve et au début du IVe s. av. J.-C., les Thasiens poursuivirent leur effort de construction de monument important, tel un édifice à ailes saillantes, et d’édifices fonctionnels proches de l’architecture domestique.
L’analyse de la répartition de ces constructions et du « centre monumental » permet également d’étudier la topographie d’une agora antérieure à l’époque hellénistique.
Plus vaste que ce l’on croyait depuis les « grandes fouilles », l’agora était bordée et traversée par des rues qui figuraient parmi les plus importantes de l’agglomération. À l’inverse de la configuration postérieure bien connue, ce centre civique monumentalisé, jouxté et relié par ces artères aux ports et aux principaux sanctuaires, était donc pleinement intégré au centre monumental, aux réseaux et aux circulations de la ville. Bien qu’elle présentât un aspect ouvert et un caractère multifonctionnel, cette agora n’était cependant pas inorganisée. Des secteurs étaient en effet réservés aux activités politiques et religieuses d’une part, espace qualifié de méson dans le règlement de la stèle du port, et aux activités commerciales d’autre part, espace situé au sud sur lequel fut bâti ensuite le macellum.
Cette étude propose ainsi une image renouvelée des premiers temps de l’agora thasienne, qui présente une précocité que l’on retrouve sur quelques sites seulement (Athènes, Camarina, Paestum). Comme l’ont rappelé J.-Y. Marc et N. Trippé, le centre civique de cette cité constitue un terrain de recherche idoine tant pour l’histoire locale que pour une histoire plus large des espaces publics antiques.
Jordan Voillot, lauréat du Prix Master Arpamed 2021 (1ère édition), Département d’archéologie, Faculté des Sciences historiques, Université de Strasbourg.
Directeur de recherche : Jean-Yves Marc, Professeur d’archéologie classique ; UMR 7044
Achimede.